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Blouses blanches, colère noire: les médecins résidents défient le système

  • cfda47
  • 18 févr.
  • 4 min de lecture

Il y a une âpreté particulière dans l'air ce mardi 18 février 2025. Le thermomètre affiche une température clémente, mais dans la cour du CHU Mustapha Bacha à Alger, c'est la fièvre de la détermination qui monte. Des centaines de médecins résidents venus de plusieurs hôpitaux de la capitale se sont rassemblés, leurs blouses blanches formant une mer mouvante dans l'enceinte de l'établissement.

 

Assis à même le bitume ou debout, jeunes femmes et jeunes hommes scandent à l'unisson : “Médecins résidents, décidés à avoir leur dignité”, “Médecins en grève”, “On n'arrêtera pas”. Leurs voix montent vers le ciel d'Alger, portant avec elles des revendications qui résonnent depuis maintenant deux mois.

 

C'était le 9 décembre 2024, jour où la patience des médecins résidents a cédé face à la dégradation continue de leurs conditions. Ce jour-là, ils ont décidé de poser leurs stéthoscopes et d'entamer une grève qui allait bouleverser le secteur de la santé en Algérie. Leur revendication principale : une augmentation salariale de 300%, reflétant enfin les exigences scientifiques et pratiques de leur fonction. Ils réclamaient également une révision des primes de garde, actuellement plafonnées à 2 800 DA pour douze heures de veille ininterrompue.

 

L'appel à la mobilisation sur les réseaux sociaux

 

Dés dimanche dernier, un appel vibrant circulait sur les pages Facebook des collectifs de médecins résidents :

“Face à la répression, à l'usage injustifié de la force et aux atteintes à notre dignité, notre mobilisation est plus que jamais une nécessité. Quelle que soit notre position – gréviste ou non –, nous devons faire preuve de solidarité et de résistance pour arracher nos droits légitimes.”

 

Cet appel numérique, partagé et relayé des centaines de fois avant même le lever du jour, poursuivait :

“Nous appelons donc à un sit-in afin d'affirmer notre unité et de revendiquer nos droits légitimes. Ensemble, nous devons montrer que notre détermination est inébranlable et que nous ne céderons pas face à l'injustice.”

 

L'impact de ce message n'a pas tardé à se concrétiser. Dès 10 heures ce matin, les résidents affluaient en nombre vers le CHU Mustapha Bacha, smartphone en main, certains montrant encore la publication à leurs collègues.

 

Une mobilisation qui s'amplifie

 

“Je n'avais jamais imaginé tenir si longtemps”, confie Amina, résidente en cardiologie, le regard fatigué mais déterminé. “Mais quand on voit tous ces collègues venus de partout, on se dit qu'on ne peut pas abandonner maintenant.”

 

Ce qu'Amina et ses collègues ont créé, c'est un mouvement qui n'a cessé de prendre de l'ampleur. Le 29 janvier 2025, un premier sit-in national avait sonné comme un avertissement. Le 4 février, le rassemblement au CHU Mustapha Pacha avait confirmé que la mobilisation dépassait les frontières de la capitale, attirant des résidents de différentes wilayas.

 

Les incidents d'Oran, un tournant dans la lutte

 

L'atmosphère s'est considérablement tendue depuis les événements du 11 février. Ce jour-là, cherchant à étendre la portée de leur mouvement au-delà d'Alger, des médecins résidents avaient choisi de manifester au Centre Hospitalier Universitaire d'Oran. Ce qui devait être une manifestation pacifique s'est transformé en confrontation lorsque des agents de sécurité ont agressé les grévistes.

 

“Ce qui s'est passé à Oran n'a fait que renforcer notre détermination”, explique Karim, résident en chirurgie. “Ils pensaient nous faire peur, mais ils nous ont donné une raison supplémentaire de continuer”.

 

Malgré la tentative des forces de sécurité de les confiner dans l'établissement d'Oran, les résidents étaient parvenus à organiser leur rassemblement. Un acte de résistance qui symbolise parfaitement l'esprit de ce mouvement.

 

Une lutte pour la dignité

 

“Ce n'est plus seulement une question d'argent”, souligne Sofia, résidente en pédiatrie, assise par terre, une pancarte à la main.

C'est une question de dignité, de reconnaissance de nos sacrifices. Nous passons des années à nous former, à veiller jour et nuit sur les patients, pour quoi ? Pour être traités comme des étudiants éternels ?”

 

La revendication salariale cache en réalité un malaise plus profond : celui d'une génération de médecins qui ne se sent pas reconnue à la hauteur de son engagement. La prime de garde de 2 800 DA pour douze heures de travail intense est vécue comme une insulte par ces praticiens qui assument des responsabilités cruciales dans le système de santé algérien.

 

Un bras de fer qui continue

 

Dans cette cour d'hôpital transformée en arène de revendications, les résidents savent qu'ils sont engagés dans un bras de fer difficile. Mais la solidarité qui s'est créée entre eux, renforcée par le soutien des cinq syndicats, leur donne la force de continuer.

 

Demain, nous serons encore plus nombreux”, annonce Ahmed, résident en pneumologie, faisant référence à la nouvelle manifestation nationale prévue pour mercredi 19 février, toujours à l'hôpital Mustapha Bacha.

“Et nous continuerons jusqu'à ce que nos voix soient entendues.”

 

Alors que le soleil est immobile au zénith, baigne Alger d'une lumière éclatante en ce milieu d'après-midi, les résidents ne montrent aucun signe de fatigue. Leurs slogans continuent de résonner contre les murs de l'hôpital, portant avec eux l'espoir d'un changement profond dans le système de santé algérien. Après deux mois de lutte, ces hommes et femmes en blouse blanche ne semblent pas prêts à renoncer. L'hiver des médecins résidents algériens est loin d'être terminé.


 

Sophie K.



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