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Disparitions forcées : L’ONU épingle encore l’Algérie


Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a une nouvelle fois établi la responsabilité de l’Algérie du fait des violations subies par une des victimes de la répression des années 90, Tewfik Djaou, porté disparu depuis son enlèvement à Constantine par des agents du département des renseignements et de la sécurité (DRS).


En février 2015, la famille de Tewfik Djaou, a sollicité l'ONG Alkarama pour saisir le Comité des droit de l'homme des Nations Unies (CDH), conformément au protocole facultatif au Pacte international sur les droits civils et politiques (PIDCP-OP1) – auquel l'Algérie a adhéré le 12 septembre 1989 – d'une plainte relative à la disparition de leur fils dans le but de faire reconnaître officiellement la responsabilité directe des autorités algériennes ainsi que d'obtenir réparation.


L'AFFAIRE DE L'ENLÈVEMENT DE TEWFIK DJAOU À CONSTANTINE DEVANT LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME DE L'ONU:


L’ONG Alkarama, basée à Genève, avait saisi le Comité des droits de l’homme des Nations Unies d’une plainte relative à la disparition de la victime à la demande de son père, M. Mohamed Djaou, aujourd’hui décédé.





Âgé de 35 ans, Tewkif Djaou, se trouvait dans sa bijouterie avec son frère Farid et plusieurs employés lorsqu'aux alentours de 9h du matin, ce 29 octobre 1997, des agents en civil et en uniforme, lourdement armés, sont arrivés sur les lieux à bord de plusieurs véhicules. Les témoins présents ont rapporté que les militaires, venus en grand nombre, avaient fermé la rue à la circulation et que seuls trois d'entre eux étaient entrés dans la bijouterie.


Après avoir emporté les bijoux et l'argent, ils ont menotté Tewfik et l'ont introduit de force dans le coffre de l'un des véhicules avant de l'emmener vers une destination inconnue.


Dans un communiqué rendu public, Alkarama a précisé que Mohamed Djaou, alors président de la Coordination nationale des familles de disparus, est un ancien combattant de l’armée de libération nationale (ALN), et avait longtemps exercé en tant qu’officier de police à Constantine après l’indépendance.


A ce titre, et en raison de son expérience passée de combattant de l’ALN et d’ancien officier de police, il avait été sollicité plusieurs fois par les services du DRS pour diriger une milice armée à Constantine au prétexte de "la lutte contre le terrorisme", précise Alkarama.


Il avait ainsi été convoqué plusieurs fois à la caserne de Bellevue où le commandant du DRS a tenté de le convaincre de s’engager, offre qu’il a régulièrement déclinées.


Face à son refus, celui-ci l’a menacé de s’en prendre à lui et à sa famille. Quelques semaines plus tard, il a mis ses menaces à exécution en faisant enlever son fils dans son local commercial au centre de Constantine en 1997.


La famille de la victime a cependant appris deux mois plus tard par un détenu libéré que leur fils se trouvait bien dans la caserne de Bellevue, témoignage qui sera confirmé le mois de mai suivant par un autre détenu libéré, qui précisera même que Tewfik Djaou avait été sévèrement torturé, y compris à l’électricité durant sa détention, détaille l'ONG basée à Genève.


Les experts indépendants du Comité des droits de l'homme des Nations Unies, ont donc considéré que l’Algérie a failli à son obligation de protéger la vie de Tewfik Djaou , souligne la même source.


Dans sa décision, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a indiqué que les dispositions de "la Charte pour la paix et la réconciliation nationale" sont inopposables aux personnes qui invoquent les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).


Comme dans ses précédentes décisions, l’organe onusien a précisé que l’application de la Charte réduit le domaine d’application du Pacte ratifié par l’Algérie en 1989.


L’État algérien a été appelé à libérer la victime si elle est toujours détenue au secret, à restituer sa dépouille à sa famille dans l’hypothèse où elle serait décédée et à poursuivre les responsables des violations commises, tout en accordant à la famille une réparation adéquate.



Les experts du Comité ont donc reconnu la responsabilité des autorités d’Alger, en raison de l’impossibilité légale de recourir a une instance judiciaire après la promulgation de "la Charte pour la paix et la réconciliation nationale" qui interdit le recours a la justice pour faire la lumière sur les crimes les plus graves commis par les services de sécurité.


L’organe Onusien a donc totalement rejeté les arguments de l’État algérien et fait droit à la demande d’Alkarama, en enjoignant aux autorités d’Alger de "mener une enquête rapide, efficace, exhaustive, indépendante, impartiale et transparente sur la disparition de Tewfik Djaou et de fournir des informations détaillées quant aux résultats de cette enquête".



Lila Mokri


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