La machine judiciaire iranienne s'apprête à refermer ses portes sur Niloofar Hamedi et Elaheh Mohammadi, ces journalistes dont les reportages ont contribué à révéler au monde le drame de Mahsa Amini. Après une brève parenthèse de liberté conditionnelle de neuf mois, les deux femmes sont désormais sommées de réintégrer leur cellule “dans les cinq jours” pour purger une peine de cinq ans d’emprisonnement.
Si l'accusation de “collaboration avec le gouvernement américain” a été abandonnée, le régime maintient fermement les charges de “complot contre la sécurité nationale” et de “propagande contre la République islamique”. Une qualification juridique que de nombreux observateurs considèrent comme l'instrumentalisation du système judiciaire pour museler la presse indépendante.
Le parcours de ces deux professionnelles de l'information illustre la détermination du pouvoir iranien à étouffer toute couverture médiatique dissidente. Niloofar Hamedi, correspondante du Shargh Daily, avait été la première à documenter l'agonie de Mahsa Amini à l'hôpital. Elaheh Mohammadi, du quotidien Ham-Mihan, reste à ce jour l'unique journaliste à avoir couvert les funérailles de la jeune femme à Saqqez, événement déclencheur du mouvement “Femme, Vie, Liberté”.
“Cette farce judiciaire continue de persécuter deux des femmes journalistes les plus emblématiques du pays”, dénonce Reporters Sans Frontières, qui souligne l'absurdité d'une situation où les deux femmes ont déjà passé “17 mois derrière les barreaux pour leur journalisme, et neuf mois supplémentaires avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête”.
Face à cette nouvelle escalade répressive, la société civile iranienne se mobilise. Une pétition, signée par des centaines de journalistes, d'artistes et de militants, implore le chef du pouvoir judiciaire de suspendre l'exécution de la peine. Un élan de solidarité qui témoigne de l'impact profond du travail de ces deux journalistes sur la conscience collective iranienne.
Cette répression ne se limite pas à ces deux cas emblématiques. L'Iran mène une politique hostile systématique envers les femmes journalistes. Le pays figure parmi les plus grands geôliers de femmes professionnelles des médias au monde. Depuis la mort de Mahsa Amini le 16 septembre 2022, au moins cinq femmes journalistes croupissent dans les geôles iraniennes, dont Narges Mohammadi, figure emblématique du journalisme militant, privée de soins médicaux depuis des semaines dans la sinistre prison d’Evin.
L'acharnement judiciaire contre Hamedi et Mohammadi envoie un message glacial à l'ensemble de la profession : en Iran, documenter la vérité peut coûter sa liberté. Un rappel brutal que, malgré les promesses de réformes et d'ouverture, le régime iranien continue de considérer le journalisme indépendant comme une menace à neutraliser.
Sophie K.