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Jean-Noël Barrot à Alger: la question des détenus d'opinion pèsera-t-elle sur les négociations franco-algériennes ?

  • cfda47
  • il y a 2 jours
  • 3 min de lecture

Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot effectue ce dimanche une visite éclair mais hautement stratégique à Alger, dans un contexte où la question des droits humains vient s'ajouter aux multiples tensions déjà existantes entre Paris et Alger. Cette première présence ministérielle française depuis la rupture diplomatique de juillet 2024 survient au lendemain d'un appel pressant de la diaspora algérienne.


Arrivé à 10h à l'aéroport international d'Alger, le chef de la diplomatie française entame son programme alors que plusieurs organisations de la diaspora algérienne viennent de publier une lettre ouverte retentissante. Riposte Internationale, Pour une Alternative Démocratique en Algérie et Révolution du Sourire ont rappelé que “les droits humains doivent rester au cœur des relations bilatérales”.


L'arrestation récente de l'écrivain Boualem Sansal, qui a suscité une forte émotion en France, pourrait difficilement être ignorée lors des entretiens prévus avec le ministre algérien Ahmed Attaf à 11h et le président Abdelmadjid Tebboune à 13h30. Mais au-delà de ce cas médiatisé, c'est la situation de quelque 250 détenus d'opinion actuellement emprisonnés en Algérie qui est dénoncée.


Entre realpolitik et principes : le dilemme français

La relation franco-algérienne traverse une période particulièrement tumultueuse depuis que Paris a reconnu la “souveraineté marocaine” sur le Sahara occidental fin juillet 2024. À ce différend géopolitique majeur s'ajoutent des contentieux sur la question des reconduites aux frontières, un sujet migratoire que les organisations de la diaspora relient directement à la répression en Algérie.


“Une part de l'épineuse question des OQTF trouve son origine dans ce déni des droits et libertés”, soulignent-elles, établissant un lien direct entre la situation politique algérienne et l'un des dossiers prioritaires pour Paris. La feuille de route établie par les présidents Tebboune et Macron lors de leur entretien téléphonique du 31 mars mentionne la “fluidification de la coopération migratoire”, mais reste silencieuse sur la question des droits humains.


Le cas Sansal : symbole ou arbre cachant la forêt ?

La situation de Boualem Sansal, écrivain reconnu, place Paris dans une position délicate. Les organisations de la diaspora regrettent un “silence persistant entourant la détention de nombreux autres citoyens algériens, dont plusieurs binationaux franco-algériens”.


Le poète Mohamed Tadjadit, l'universitaire Mira Moknache, la militante Abla Ghomari et le journaliste Abdelwakil Blam, figurent parmi ces prisonniers politiques largement ignorés du débat public.


La question se pose: Jean-Noël Barrot évoquera t-il ces cas lors de ses entretiens officiels, au risque de froisser ses interlocuteurs algériens dans un contexte diplomatique déjà fragile ? Ou privilégiera t-il la reprise du dialogue sur les autres axes prioritaires comme la coopération sécuritaire, économique et judiciaire ?


Une répression systémique dénoncée

Selon les organisations signataires, depuis l'émergence du mouvement populaire du Hirak, “des dizaines de milliers d'arrestations ont eu lieu” et “près de deux mille citoyennes et citoyens ont été détenus pour leurs opinions”. Elles font également état de "brutalités et des cas de tortures avérés".


L'adoption depuis 2021 d'un “arsenal de lois liberticides" aurait permis "l'extension abusive de la qualification de 'terrorisme'” et la “criminalisation de la liberté d'expression”, installant un véritable “climat de terreur”. La liberté de circulation serait également gravement entravée, avec des “Interdictions de Sortie du Territoire National” appliquées “en dehors de toute décision judiciaire”.


Vers une diplomatie fondée sur les droits ?

La déclaration à la presse prévue à l'issue de l'audience présidentielle pourrait donner des indications sur l'équilibre trouvé par la diplomatie française entre pragmatisme géopolitique et principes démocratiques. Les organisations de la diaspora plaident pour

“une diplomatie responsable, fondée sur l'intérêt des deux peuples, la clarté des engagements, l'absence de privilèges indus et sur le respect de la Déclaration des droits de l'Homme”.

À 16h30, lorsque Jean-Noël Barrot quittera Alger pour rejoindre Le Caire où l'attend Emmanuel Macron, il aura peut-être défini les contours d'une nouvelle approche diplomatique française au Maghreb, ou simplement confirmé la primauté des intérêts stratégiques sur les questions de droits humains.


Sophie K.

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