Le ministère malien des Affaires étrangères vient d'élever significativement le ton contre l'Algérie dans un communiqué publié ce 1er janvier 2025. Cette sortie diplomatique répond aux déclarations d'Ahmed Attaf, ministre d'État algérien des Affaires étrangères, qui avait souligné l'impossibilité d'une solution uniquement militaire au Sahel.
Le document malien lance des accusations particulièrement graves à l'encontre d'Alger. Bamako y dénonce une prétendue collaboration entre l'Algérie et des groupes terroristes, allant jusqu'à affirmer qu'Alger leur fournirait refuge tout en orchestrant leurs actions contre les populations civiles du Mali et du Sahel.
Le communiqué rejette fermement toute implication algérienne dans les affaires maliennes, qualifiant l'attitude d'Alger de “paternaliste” et “condescendante”. Bamako insiste sur le fait que sa stratégie antiterroriste relève exclusivement de sa souveraineté et des choix de la Confédération des États du Sahel.
Toutefois, la lecture du document révèle plusieurs contradictions majeures. La plus flagrante concerne l'accusation de complicité avec le terrorisme : le Mali reconnaît dans le même texte qu'Alger a mené sa propre lutte antiterroriste “en toute souveraineté”, affaiblissant ainsi la portée de ses accusations.
Le paradoxe s'accentue lorsque Bamako, tout en dénonçant l'ingérence algérienne, s'immisce dans les affaires intérieures de son voisin en évoquant la “question kabyle”. Cette mention fait écho aux tensions algéro-marocaines, rappelant la rupture des relations diplomatiques entre Alger et Rabat en 2021, suite au soutien affiché du Maroc au mouvement indépendantiste kabyle MAK.
D'autres incohérences émergent, notamment dans la qualification des mouvements azawads comme “groupes terroristes”, une classification qui ne trouve aucun écho dans le droit international et n'est soutenue que par la Russie. Le document cible par ailleurs “certains responsables algériens”, suggérant des divisions au sein du pouvoir algérien qui contrastent avec la cohésion observée de la diplomatie algérienne.
Ce n'est pas la première fois que les autorités maliennes de transition adoptent ce ton accusateur. En septembre dernier, le Premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga avait déjà tenu des propos similaires à la tribune des Nations Unies, qualifiant même les représentants diplomatiques algériens d'“énergumènes”.
Cette escalade verbale s'inscrit dans un contexte sécuritaire dégradé. Depuis son retrait des accords de paix d'Alger en janvier 2024, le Mali fait face à une recrudescence des violences. En témoigne l'attaque meurtrière survenue fin juillet près de Tin Zaouatine, causant de nombreuses pertes parmi les militaires maliens et les membres du groupe Africa Corps (ex-Wagner).
L'ensemble de ces contradictions révèle un repositionnement stratégique du Mali au Sahel, marqué par l'abandon de ses partenaires traditionnels au profit de nouvelles alliances régionales.
Sophie K.
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