Mobilité bafouée: le métro d’Alger abandonne les plus fragiles
- cfda47
- il y a 5 heures
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Entre arrêts fréquents, absence de signalisation et délais de réparation interminables, les appareils et escaliers mécaniques du métro d’Alger peinent à répondre aux besoins des usagers. Une situation qui soulève des questions sur la gestion de la maintenance et la qualité du service public.
Dans plusieurs stations du métro d’Alger, les escaliers mécaniques, les ascenseurs, les appareils de validation de tickets et les distributeurs automatiques sont fréquemment hors service. Les stations les plus touchées incluent Place des Martyrs, Aïssat Idir, Ruisseau, ainsi que d'autres points névralgiques du réseau.
Les appareils en panne deviennent le quotidien des voyageurs. « Je suis contrainte de porter mon enfant et sa poussette à chaque fois, c’est un cauchemar », confie Lilia, une jeune maman habitant à Hussein Dey.
Les personnes âgées ou à mobilité réduite sont les premières victimes de ces défaillances. « Je dois renoncer à prendre le métro si je suis seule, car je ne peux ni monter ni descendre les escaliers sans aide », témoigne Ahmed, retraité vivant à El Harrach.
Par ailleurs, de nombreux ascenseurs sont utilisés de manière abusive par des passagers non concernés, rendant leur accès difficile voire impossible aux personnes à mobilité réduite, aux femmes enceintes ou aux personnes âgées. Cette mauvaise utilisation aggrave les problèmes d’accessibilité.
Les distributeurs automatiques de tickets sont aussi régulièrement en panne, contraignant les usagers à faire la queue aux guichets ou à se rabattre sur des solutions de fortune. Quant aux appareils de validation des titres de transport, leur dysfonctionnement provoque des ralentissements aux heures de pointe.
Les personnes en situation de handicap et à mobilité réduite se retrouvent ainsi mises à l’écart de l’usage du métro. Ne pouvant ni monter ni descendre les escaliers, elles dépendent entièrement des ascenseurs et des escalators. Or, en cas de panne, les services du métro privilégient souvent le fonctionnement des escalators pour la montée, négligeant l’importance de la descente. Cette logique compromet gravement l’accessibilité complète du réseau. En conséquence, ces citoyens sont indirectement exclus de l’accès à un moyen de transport collectif pourtant essentiel.
Depuis novembre 2020, la gestion et la maintenance du métro d'Alger sont assurées par une filiale entièrement algérienne de l'EMA, succédant à la société française RATP El Djazaïr. Cette filiale a pris en charge non seulement l'entretien quotidien, mais aussi la gestion des infrastructures et équipements. Cependant, malgré cette prise en charge, les défaillances fréquentes des appareils et des systèmes mécaniques témoignent d’un manque de maintenance préventive et de coordination. Le remplacement des pièces détachées est souvent retardé, et les techniciens spécialisés manquent.
Au-delà de la gêne quotidienne, ces pannes fragilisent la notion même de service public accessible à tous. L’accessibilité est un droit pour les personnes en situation de handicap, inscrit dans la législation algérienne et confirmé par la ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies. Or, l’indisponibilité prolongée des équipements constitue une forme d’exclusion silencieuse.
Les escalators inopérants nuisent également à l’image du métro, considéré comme un symbole de modernité à son lancement. « C’est frustrant de voir que les installations se dégradent aussi vite, comme si rien n’avait été prévu pour leur entretien », remarque un jeune étudiant de Bab Ezzouar.
Nous avons tenté à plusieurs reprises d’entrer en contact avec l’Entreprise Métro d’Alger pour obtenir plus de détails et d’explications sur ces pannes récurrentes et les actions mises en place pour améliorer la situation. Cependant, aucune réponse n’a été donnée à nos demandes. De plus, aucune communication officielle n’a été faite par l’EMA concernant l’état de la maintenance ou les éventuelles mesures correctives.
Le seul moyen de communication mis à la disposition des usagers est le cahier de doléances, disponible dans les stations pour soumettre leurs mécontentements et appels. Ce dispositif semble être la seule option pour exprimer les frustrations des voyageurs et obtenir une prise en compte de leurs préoccupations, bien que l'efficacité de ce système demeure incertaine.
À noter que de nouvelles stations comme celles d’Oued Smar, Rabia Tahar et Smaïl Yefsah sont annoncées comme équipées d’ascenseurs pour les personnes à mobilité réduite. Cependant, la réussite de ces projets dépendra de la fiabilité réelle des équipements et de leur entretien sur le long terme.
Face à cette situation préoccupante, il devient urgent de remettre la maintenance des appareils mécaniques du métro au cœur des priorités. Car un métro moderne sans accessibilité n’est qu’une illusion de progrès. Pour que le métro d’Alger reste un outil de mobilité inclusive, il faudra plus que des promesses : des actes, des moyens, et de la transparence.
En 2023, le métro d’Alger a enregistré un record de 46 millions de voyageurs, soit une augmentation de 16 % par rapport à l’année précédente. Cette fréquentation en hausse impose une exigence accrue en matière de qualité de service, de fiabilité des infrastructures et d’égalité d’accès pour tous les citoyens, sans distinction.
Nadia B
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