L’Observatoire National de la Société Civile (ONSC) a récemment lancé des concertations autour du projet de loi organique concernant la création et les activités du mouvement associatif en Algérie. Ces consultations, déjà entamées dans plusieurs wilayas du pays, visent à récolter les contributions des acteurs associatifs avant la soumission du texte à l’Assemblée Populaire Nationale (APN) et au Conseil de la Nation.
M. Noureddine Benbraham, président de l’ONSC, a souligné l’importance de replacer cette révision législative dans son contexte historique et politique. Il a rappelé que les premières lois régissant le mouvement associatif, à savoir la loi 31-90 et la loi 06-12, avaient été adoptées à des moments marquants de l’histoire du pays, en réponse à un pluralisme émergent et aux bouleversements du Printemps arabe.
Selon lui, ces lois doivent désormais être adaptées aux nouvelles aspirations politiques et sociales, en particulier celles inscrites dans la Constitution de 2020, qui met un accent particulier sur la société civile et son rôle dans la gouvernance participative.
Dans un souci de consultation inclusive, l’ONSC a mis en place une plateforme numérique permettant à tous les acteurs associatifs de soumettre leurs propositions et amendements. En parallèle, des consultations en présentiel ont eu lieu dans 56 wilayas, réunissant plus de 7 000 acteurs associatifs. M. Benbraham a précisé que l’objectif de ces concertations est d’impliquer pleinement les citoyens à travers les associations, afin qu’ils participent activement à l’élaboration d’un cadre législatif facilitant leur travail. Ces consultations ont permis de recueillir les perspectives des associations sur leurs expériences, obstacles et attentes vis-à-vis de la future loi.
L’un des points centraux du projet de loi est le financement des associations, un domaine qui nécessite une révision en profondeur. Actuellement, les associations dépendent principalement des subventions annuelles, mais le projet de loi prévoit un financement par projet.
Ce changement vise à encourager les associations à développer des initiatives ayant un fort impact social et économique. M. Benbraham a également évoqué l’importance de promouvoir l’économie sociale et solidaire (ESS), permettant aux associations de mener des activités économiques dans des secteurs comme le tourisme ou l’artisanat. Ce modèle devrait permettre aux associations de renforcer leur autonomie financière tout en contribuant au développement local.
Pour que ce projet de loi puisse avoir un réel impact, M. Benbraham a insisté sur la nécessité de renforcer la formation des acteurs associatifs. Selon lui, la société civile doit s’adapter à de nouveaux concepts comme les partenariats, la gouvernance locale et la gestion de projets.
Dans cette optique, l’ONSC a lancé la plateforme “KFF+” (Compétences Plus) pour accompagner les associations. Toutefois, il a reconnu que cette initiative reste insuffisante, car 75 % des 5 000 associations interrogées dans une étude menée avec le CREAD n’ont jamais bénéficié d’une formation. Pour répondre à ce déficit, l’Observatoire a lancé un programme ambitieux visant à former 12 000 associations d’ici 2025.
Le projet de loi en cours de concertation vise à créer un environnement législatif favorable à l’épanouissement des associations, tout en préservant leur indépendance. M. Benbraham a insisté sur le fait que la loi doit être un instrument de facilitation et non un obstacle pour la société civile. « La loi doit libérer le potentiel de la société civile et renforcer son rôle dans le développement du pays », a-t-il précisé.
L’un des enjeux majeurs du projet de loi est également l’accès au financement international, un domaine où les associations algériennes ont souvent eu du mal à se faire entendre. Le projet de loi prévoit une ouverture contrôlée aux financements externes, tout en garantissant la transparence et la conformité aux valeurs nationales. Des mécanismes sont également envisagés pour permettre l’ouverture de bureaux d’ONG internationales, tout en assurant une supervision stricte de leurs activités.
Le projet de loi établit clairement une distinction entre la société civile et les partis politiques, tout en garantissant leur complémentarité. Alors que les partis politiques ont pour rôle d’accéder au pouvoir par des élections, la société civile se concentre sur le plaidoyer, la représentation et le contrôle. Le projet interdit toute relation organique entre ces deux entités, tout en permettant des collaborations sur des projets d’intérêt commun, dans le respect des rôles respectifs.
Enfin, la mise en réseau des associations figure parmi les aspects fondamentaux de cette révision législative. Ces réseaux permettront de regrouper des associations autour de thématiques spécifiques, comme l’environnement, les droits des femmes ou la surveillance des élections. Ces plateformes de mise en réseau joueront un rôle crucial pour le plaidoyer, le partage d’expériences et l’accès aux financements, renforçant ainsi l’efficacité des initiatives associatives.
Yacine. M
Comments