Présidente de l’association Djazairouna, Cherifa Kheddar rejette le projet de loi d’amnistie
- cfda47
- 25 juil. 2022
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Dernière mise à jour : 3 oct. 2023

Créée le 17 octobre 1996, conformément à la loi 90/31 du 12 avril 1990, par les familles victimes du terrorisme et les rescapés des massacres de la région de la Mitidja, l' Association Djazairouna des victimes du terrorisme, est à caractère caritatif et éducatif et à des fins revendicatives. Elle défend les intérêts matériels et moraux des victimes du terrorisme dans la Mitidja, et proteste contre l'impunité des criminels et l' effacement des crimes contre l' humanité des terroristes islamistes et de leurs commanditaires.
Les activités de l'association "Djazairouna" sur Radio des sans voix, dans sa version Arabophone:
"Djazairouna" milite pour la vérité, la justice et la mémoire des victimes des violences terroristes: .
L'association défend les droits des femmes et enfants victimes de violence en prodiguant un soutien moral et assistance matérielle, prise en charge psychologique, assistance et suivi juridiques.
Cherifa Kheddar, -présidente de l'association "Djazairouna"-, est très impliquée dans les questions liées au genre et à la défense des femmes. Elle lutte contre l’extrémisme religieux et les discours de haine. Sa vie a basculé le soir ou son frère Mohammed Redha et sa sœur Leila ont été assassiné par la horde islamiste, c’était le 24 juin 1996. Ce jour-là, un groupe armé encercle la maison familiale, exécute son frère et sa sœur et blesse sa mère. Elle échappe de justesse à la tuerie. Depuis, elle consacre tout son énergie à contrecarrer les mesures de clémence et à réclamer réparation et justice.
A l'occasion des 60 ans de l’indépendance de l’Algérie, « Une loi spéciale au profit des détenus condamnés définitivement, et ce en prolongement des lois sur la Rahma et la Concorde civile est en cours de préparation » avait indiqué un communiqué de la présidence.
Ce jour-là, Cherifa Kheddar, se trouvait à Paris. En apprenant la nouvelle, elle réagit sur les réseaux sociaux en publiant un post émouvant.
« Chers défunts Leila et Med Redha Kheddar, vos bourreaux, vont bénéficier encore une fois des largesses de la Rahma, du pardon, et que sais-je encore, au moment où, l’évocation du simple travail pour honorer vos mémoires, est interdite par les dispositions de la charte portant Réconciliation Nationale.» avait écrit Cherifa Kheddar.
Entre 1995 et 1998, 4 000 insurgés ont bénéficié de la politique de clémence du président Liamine Zéroual, ce qui laisse encore 6 000 combattants islamistes. Le 15 avril 1999, Abdelaziz Bouteflika, appuyé par l'armée, est élu président en promettant une politique de réconciliation nationale.
En juillet de la même année, il fait adopter une loi d'harmonie civile qui donne six mois aux membres des groupes armés pour se rendre. La loi leur offre une immunité contre des poursuites, sauf pour ceux qui ont commis des assassinats ou des attentats.
En retour, les militants islamistes doivent déposer les armes et déclarer leurs activités passées:
La nouvelle politique est approuvée par une majorité écrasante lors d'un référendum tenu le 19 septembre 1999. En janvier 2000, des centaines de membres du Groupe islamique armé (GIA) déposent les armes et acceptent l'amnistie. La population espère néanmoins que le retour à la vie normale approche et que le président amorcera au plus tôt son programme de réformes sociales et de redressement de l'économie. Destinées à mettre un terme à la violence et à vider le maquis de ses jihadistes, ces lois ont été complétées le 29 Septembre 2005, par une Charte pour la paix et la réconciliation nationale qui promettait l’extinction des poursuites pour les terroristes islamistes qui ont accepté de déposer les armes, à l’exception de ceux qui sont accusés de massacres collectifs, de viols et d’attentats aux explosifs. Cette disposition est à nouveau confirmée dans le journal officiel en 2017. Elle est même alourdie d'une interdiction de toute mention de cette période. Réveiller le passé peut conduire n'importe quel citoyen devant les tribunaux.
Entretien réalisé avec Cherifa Kheddar par la Radio des sans voix, dans sa version Francophone:
Ce jours-là, les victimes du terrorisme dans la Mitidja ont enterré leurs cartes de vote auprès des tombes de leurs proches:
Le conflit fera selon les estimations entre 100 000 et 200 000 morts -Il n'en existe pas de décompte officiel-. Un peu plus de 30 ans après ce conflit, les familles des victimes ne peuvent pas réclamer justice. Cette omerta résulte d'une volonté du pouvoir politique.
Malgré les demandes de justice, le pouvoir n'a jamais voulu transiger. Cette gestion arbitraire de la mémoire reste unique au Maghreb, et l'opinion algérienne aujourd'hui semble être fatiguée. Ce n'est pas le cas pour Cherifa Kheddar qui continue à réclamer vérité et justice en luttant contre l'oubli.
Dans un entretien accordé à Jeune Afrique, Cherifa Kheddar « ressent cette loi en préparation comme une nouvelle agression et une atteinte à la mémoire des victimes et au droit de leurs familles à une réparation juste du préjudice subi.»
Elle poursuit: « Encore une fois, les autorités occultent les traumatismes et les responsabilités de la décennie noire. Ce genre de mesure devrait être pris en concertation avec ceux qui se sont opposés au projet obscurantiste, et en mémoire de ceux qui l’ont payé de leur vie. Nous sommes les interlocuteurs légitimes. Cette nouvelle loi vient malheureusement nous rappeler que notre lutte et nos sacrifices ne sont pas reconnus.»
Lila Mokri
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