Les enfants inventent leurs propres jeux avec le matériel qu'ils trouvent, Burundi, 2018. Wikimedia
La Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l'Enfant est la convention des pays africains pour la protection des droits de l’enfants est entrée en vigueur le 29 novembre 1999. Bien que peu connue, elle est l’équivalent de la Convention des Nations unies sur les droits de l’enfant mais avec une empreinte et un contexte africain, et un accent sur le travail des enfants, la traite, la déscolarisation, les enfants soldats, le mariage ainsi que la mutilation génitale des filles.
Zineb Ayadi est vice-présidente de l’association la Voix de l’enfant de Béjaia. Elle a participé à la réalisation d’une étude sur l'implémentation de cette charte en Algérie. Une étude intitulée "Thestatus of the implementation of the African Children’s Charter :A ten-country study", un travail qui a duré deux ans, et a été publié au mois de juin 2022 par la faculté de droit de l'Université de Prétoria en Afrique du Sud. Elle a parlé à la Radio des sans voix, de la ladite Charte, de son étude, et de la situation des droits de l’enfant en Algérie.
RDSV : Pourriez-vous vous présenter nous dire ce que vous faites et nous présenter votre association ?
Zineb Ayadi : L'Association la Voix de l'Enfant de la wilaya de Bejaia est une organisation algérienne qui milite pour la promotion des droits de l'enfant en Algérie depuis le 12 juin 2014, ce, en s'assurant l'inclusivité des enfants défavorisés, en leur montrant les différents chemin qu'ils peuvent emprunter afin d'atteindre le succès, les considérant comme les leaders de demain, notre association s'assure qu'ils aient la meilleure formation et le meilleur enseignement que possible, ce qui leur ouvrira les portes vers un avenir professionnel certain.
Pour ce qui me concerne moi, j’ai obtenu mon master en droits de l'Homme en 2011, et je milite dans le mouvement associatif depuis 2007. Je suis aussi fondatrice de plusieurs associations, mais celle qui m’a toujours tenu à cœur, c'est l'Association la Voix de l'Enfant de la wilaya de Bejaia que j’ai présidé pendant 06 ans, et dont laquelle j’occupe actuellement le poste de Project Manager. Je suis aussi membre de l'ECOSOCC de l'Union Africaine, et de part mon expérience, le "Center For Human Rights" de la faculté de droit de l’Université de Prétoria m'a sollicité pour préparer une étude sur l'Algérie.
- Vous venez de publier un article sur "L'implémentation de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant " dans le manuel "The status of the implementation of the african children's charter - A ten country study" par l'Université de Pretoria. Pourriez-vous nous présenter les résultats de votre étude ?
Cette étude se divise en deux chapitres importants. Dans le premier chapitre, j’ai présenté le contexte Algérien: Le pays a ratifié presque toutes les conventions qui se rapportent sur les droits humains, celui-ci démontre sa volonté de respecter la dignité humaine et de promouvoir ses droits, cette démarche a été quelque peu freiné par la décennie noire durant les années 90, toutefois il a su rebondir à partir de 2005, où le pays est revenue en force, notamment en modifiant quelques textes du code de la famille et du code de la nationalité , ce , en faveur des droits de la Femme. Cependant, la société civile a analysé un manque quant aux droits de l'enfant, après plusieurs réunions et concertations, notre pays a pu se doter de sa propre loi de la protection de l'enfance N° 15-12 du 15 juillet 2015.
Le mécanisme de la ratification des chartes et des conventions en Algérie est favorable pour intégrer leurs principes dans les lois internes, ce processus a été le facteur essentiel qui a favorisé la naissance de la loi des la protection de l'enfance. Aussi, la progression de la technologie, l'alphabétisation des enfants, la gratuité des services publiques, et la stabilité politico-socio-économique a participé positivement à la prise de conscience collective en ce qui concerne les manquements en rapport avec les droits de l'enfant.
Quant au deuxième chapitre était consacré à l’implémentation de la CADBE en Algérie. Si la société civile s'est inspirée de l'Unicef, qui, il faut préciser, a eu un impact important car elle a un bureau à Alger, ce qui rend l'échange d'expérience plus aisé. Toutefois la CADBE n'a connu qu'une timide intervention, car on s'y inspire dans la rédaction de la loi de la protection de l'enfant 15 juillet 2015 (la référence est dans le préambule de ladite loi), mais en parcourant les textes, on remarque son absence. Bien évidemment, l'effet de sensibilisation a son rôle, il est important de rappeler que l'exécution de cette charte est assurée par le bureau des experts qui se trouve dans le pays de Lesotho, malheureusement, et contrairement à l'Unicef, ce bureau n'est pas enclin à se déplacer vers les régions africaines pour assurer la sensibilisation de la CADBE, et n'apporte aucune assistance technique et/ou financières aux projets portant sur la promotion des droits de l'Enfant Africain, son rôle se situe dans la réception des rapports et communication des pays, et se veut comme le rapporteur de l'Union Africaine sur les sujets qui touchent l'enfance.
-Vu que la CADBE est méconnue dans notre pays, quelles sont vos recommandations pour vulgariser et faire connaître cette charte ?
La recommandation afin de faciliter l'intégration de la CADBE dans les manuels scolaires, et les pratiques judiciaires, c’est d'installer un bureau CADBE des experts, dans chaque pays de l'Afrique, ce bureau pourra former la société civile et l'encourager à sensibiliser, à son tour, sur la charte dans le milieu scolaire, le milieu de la jeunesse, et auprès des praticiens de la justice.
- Pourquoi une « Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant » est ce que la convention relative aux droits de l’enfant n’est pas suffisante ?
Face à la Convention des Droits de l'Enfant qui se veut comme une "Constitution" mondiale que chaque pays devait intégrer dans sa vision d'une entité respectant et assistant les personnes de moins de 18 ans. Et bien évidemment, l'incompréhension fut totale quand l'Organisation de l'Unité Africaine a appelé les pays de son Continent pour en créer une à leur tour. Il est très important de se rappeler que la majorité des pays africains venaient d'obtenir leur indépendance, suite à cela, ils devaient "fondre" les différentes nationalités en une seule identité en relation avec l'appartenance continentale. Il faut rappeler que la CIDE a généralisé les droits de l'enfant, et l'OUA avait cette volonté de mettre en valeur la situation de l'enfant en Afrique et d'apporter des solutions. D'ailleurs en parcourant la charte, nous allons remarquer que la lumière a été mise sur l'importance de l'éducation, l'éradication du travail des enfants, la traite et aussi cette volonté de mettre fin au recrutement des enfants durant les conflits armés.
La Charte s'est inspirée de la CIDE, certes, mais elle a mieux expliqué chaque détail, en incluant une mention spéciale sur les enfants dont les mamans sont emprisonnées dans son article 30, mais un souffle de nouveauté est venu se rabattre sur la CADBE, elle s'adresse aux enfants en leur expliquant qu'ils ont une responsabilité envers leurs familles et leurs sociétés, donc, en plus des droits, on invite les enfants à comprendre leurs devoirs.
- Comment évaluez-vous la situation des droits de l’enfant en Algérie et les dispositifs nationaux pour la protection de ces droits ?
On ne peut nier l'effort indéniable du législateur quant à adopter une loi qui respecte la spécificité de la société algérienne. En lisant la loi, il est très simple d'observer que la majeure partie ne parle que de la partie judiciaire pour les enfants victimes ou "criminels". Il est souhaitable, qu'un être aussi sensible doit avoir une loi qui correspond à ses besoins, un enfant c'est d'abord une famille, une école et un environnement, et la loi 15- 12 n'a pas su couvrir tous ces aspects.. Peut-être est-ce lié à l'urgence de cette époque, où l'Algérie connaissait un nombre sans précédent d'infanticide, le législateur influencé par l'actualité, a réduit la vision de la protection de l'enfance a l'aspect judiciaire. Après avoir mis le pied à l'étrier , et 7 ans plus tard, il est temps de repenser cette loi, en organisant des focus groupes avec les associations qui militent dans les droits de l'enfant, elles pourront faire des propositions intéressantes qui seront utiles au législateur afin de pouvoir garantir des droits de l'enfant adaptés comme par exemple : Des textes de loi contre la cybercriminalité, la violence physique et/ou verbale dans les écoles surtout des enseignants envers les enfants, le harcèlement. Aussi, mettre en lumière un sujet qui reste tabou :Le travail des enfants.
Propos recueillis par Madjid Serrah
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