« Les autorités algériennes ont poursuivi en 2024 une politique de répression à l’encontre des voix dissidentes, restreignant sévèrement les libertés fondamentales telles que l’expression, la presse, l’association, la réunion et la circulation. Le président Abdelmadjid Tebboune a été réélu pour un second mandat en septembre, dans un climat marqué par la répression des médias et l’absence de véritable débat politique », indique Human Rights Watch dans un récent rapport.
« Tout au long de l’année 2024, les autorités ont intensifié les poursuites contre les activistes, journalistes et avocats exprimant pacifiquement leurs opinions. Des dizaines de personnes ont été arrêtées pour leurs déclarations ou leur activisme pacifique », selon le défenseur des droits humains, Zakaria Hannache.
L’activiste Mohamed Tadjadit, souvent ciblé par les forces de sécurité depuis 2019, a été arrêté en janvier et accusé d’« apologie du terrorisme » et d’« utilisation de technologies de la communication pour soutenir des actions et des activités d’organisations terroristes ». Il a été libéré par décret présidentiel le 31 octobre, à l’occasion du 70ᵉ anniversaire du déclenchement de la guerre d’indépendance de l’Algérie, indique l’ONG dans son rapport.
Le 4 juillet, l’artiste franco-algérienne Djamila Bentouis a été condamnée à deux ans de prison et à une amende par un tribunal d’Alger, en lien avec une chanson dénonçant la répression des manifestations du Hirak.
En 2024, la répression contre la liberté de la presse en Algérie s’est intensifiée, se traduisant par des arrestations et des emprisonnements de journalistes. L’Algérie a chuté au 139ᵉ rang sur 180 au classement de Reporters sans frontières, perdant trois places par rapport à 2023.
Parmi les cas marquants, la journaliste indépendante Fouzia Amrani, condamnée à un an de prison (réduit à huit mois) pour « outrage à fonctionnaire ». Omar Ferhat et Sofiane Ghirous, respectivement directeur et rédacteur en chef d’Algeria Scoop, arrêtés pour avoir diffusé une vidéo critique des autorités, et Ihsane El Kadi, fondateur d’Interface Médias, a vu son agence dissoute et a été emprisonné pour « exploitation sans autorisation ».
Ces trois journalistes ont été libérés par décret présidentiel le 31 octobre. La situation reflète un durcissement notable envers la presse indépendante et critique en Algérie.
En Algérie, les autorités ont continué aussi de réprimer les rassemblements et les droits à la liberté de réunion et d’association en 2024.
Plusieurs événements liés aux droits humains ont été interdits, comme ceux organisés par SOS Disparus en février et mars. Des actions arbitraires ont également visé des activités culturelles et politiques, le 29 juin, la présentation d’un livre à Béjaïa a été interrompue par les forces de sécurité, qui ont temporairement arrêté les participants, dont l’autrice, l’éditeur et le libraire.
Le 10 juillet, l’avocat Sofiane Ouali a été arrêté pour avoir organisé un sit-in contre la détention arbitraire de l’activiste Mira Moknache. Libéré provisoirement, il reste poursuivi pour des accusations liées au terrorisme.
Le 20 août, les forces de sécurité ont empêché l’accès à une commémoration historique à Ifri Ouzellaguen et arrêté des membres du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD).
En mai, un rapport de l’ONU a dénoncé la répression systématique des critiques du gouvernement, appelant à lever les restrictions sur les libertés fondamentales et à supprimer l’article 87 bis du code pénal, utilisé pour cibler injustement défenseurs des droits humains, activistes et journalistes.
Depuis 2022, les autorités algériennes utilisent des interdictions de voyager arbitraires pour réprimer la dissidence, souvent sans durée définie, les rendant quasi permanentes. En avril 2024, le journaliste Mustapha Bendjama a été empêché de voyager en Tunisie après sa libération, tandis que Farid Alilat a été interdit d’entrée en Algérie. Ce dernier a été interrogé à l’aéroport d’Alger avant d’être renvoyé en France, le ministre de la Communication justifiant cette interdiction par les « positions inamicales » du média pour lequel il travaille.
De nouveaux amendements au code pénal algérien, promulgués le 6 mai, ont renforcé la répression en criminalisant des actes aux définitions floues, comme la divulgation d’informations sensibles ou toute atteinte supposée aux intérêts nationaux. Les autorités, utilisant une définition élargie du terrorisme depuis 2021, continuent d’invoquer ces charges pour cibler la dissidence pacifique. L’écrivain Boualem Sansal a été arrêté en novembre et poursuivi pour des accusations liées au terrorisme.
En parallèle, une nouvelle loi sur l’industrie cinématographique, entrée en vigueur le 29 avril, impose un contrôle strict sur la production de films, prévoyant jusqu’à trois ans de prison pour des œuvres jugées contraires à des critères vagues comme les « valeurs nationales » ou la « souveraineté nationale ».
Les autorités algériennes ont continué d’expulser arbitrairement et collectivement des migrants de diverses nationalités africaines, dont des femmes et des enfants, en les abandonnant dans des conditions dangereuses dans le désert à la frontière avec le Niger, souvent sans examen des cas individuels et en l’absence de procédures régulières, et en leur infligeant en outre de mauvais traitements.
Entre janvier et août, l’Algérie a expulsé près de 20 000 personnes vers le Niger. Au moins huit personnes auraient péri à la suite de ces expulsions.
Tania Alsel
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